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La science de vivre

L’art est devenu un peu folklorique. Il continue à servir d’amusement et certains en tirent d’intéressants revenus mais, pour l’essentiel, il est plutôt dépassé. Nous sommes passés à autre chose : c’est la science de vivre. De nos jours, on ne se laisse plus guider par les traditions ou par nos bas instincts pour savoir comment vivre. On se fonde sur la connaissance, et pas n’importe laquelle : la connaissance scientifique.

Par exemple, la science nous dit tout ce qu’il faut faire pour bien manger et c’est très important, car l’alimentation est sans doute le domaine où les pulsions naturelles sont les plus trompeuses. Ainsi, nous savons maintenant qu’il faut manger des antioxydants : ça ne goûte pas spécialement bon mais ça nous empêche de rouiller. Il faut aussi manger des omega-3 : on ne sait pas ce que ça goûte mais ça ne peut pas faire de tort, comme l’ont démontré beaucoup de recherches scientifiques. Il faut manger bio, car c’est meilleur pour le compost. Il faut manger équitable : c’est mieux balancé. Il faut aussi manger vert (laitue, brocolis, épinards, choux de Bruxelles, petites fèves mais pas les jaunes, sans oublier la roquette), même si nous ne connaissons pas encore tous les effets bénéfiques du vert.

De plus, à chaque jour, il faut ajouter à notre alimentation 30 grammes de lin moulu pour combattre le cancer du sein et peut-être même de la prostate, ainsi que 1 à 2 grammes de curcuma, pour des raisons analogues. Il existe un fort consensus scientifique sur le fait que les habitants d’Okinawa, réputés pour leur longévité, consomment beaucoup de curcuma.

La santé ne repose pas seulement sur une saine alimentation. Il faut aussi de l’exercice, mais pas n’importe lequel. Le matin, en forme ou pas, on commence la journée par une session de jogging sur un exerciseur à mouvements elliptiques. C’est plus naturel. Après avoir dépensé beaucoup d’énergie, on a soif mais à ce moment, on aurait tort de céder à la tentation de boire de l’eau, ce qui est complètement dépassé. Il est préférable de s’hydrater.

Il y a aussi notre vie économique qui repose sur des bases scientifiques, tout particulièrement sur les lois immuables de l’Offre et de la Demande. Plus on est rare, plus on vaut cher. Prenez les Bill Gates ou les Élizabeth II, c’est leur rareté qui explique leur richesse, contrairement aux pauvres, qui sont trop nombreux.

En matière d’économie, bizarrement, il n’est pas toujours recommandé d’économiser. Il ne faut pas oublier que nous sommes d’abord des consommateurs. À cet égard, la première règle à suivre, c’est de savoir saisir la première occasion pour jeter les biens de consommation que nous possédons déjà et les remplacer par des modèles plus évolués. Il est scientifiquement prouvé que c’est ça qui fait évoluer l’économie.

Pour en faire davantage, on peut aussi consommer des biens d’investissement, c’est-à-dire des biens qu’on a plus de mal à jeter. À ce moment, plutôt que de se fier au gros bon sens de nos aïeux en achetant des terres, des outils ou d’autres biens utiles, il est bien plus scientifique d’acheter des debentures, des papiers commerciaux adossés à des actifs, des actions de fonds mutuels garantis, des contrats d’actions négociés, des certificats de placements à taux variables, des billets de trésorerie adossés à des créances titrisées, etc. Tout cela nous évite bien des tracas.

En fait, la science nous guide dans pratiquement tous les domaines de la vie : la psychologie, la politique, la justice, le sport, etc. Par exemple, il y a maintenant la récréologie qui a été créée pour nous apprendre comment nous récréer. Il y a bien certains domaines, comme la pédagogie, où on a un peu plus de mal à nous indiquer la voie à suivre – bulletin scolaire chiffré ou non chiffré? – mais de façon générale, nous pouvons compter sur la science pour nous orienter. En fait, il n’y a vraiment que la religion qui tarde à se convertir à l’approche scientifique, à l’exception de la Scientologie.

Certains savants prévoient même que la science pourra bientôt prendre en charge le domaine de l’art lui-même. Nous pourrons alors recommencer à nous appuyer totalement et sans crainte sur ce nouvel Art scientifique de vivre.