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La haine de soi

 

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Le spectacle de l’incendie de la Cathédrale Notre-Dame de Paris a profondément bouleversé la très grande majorité des Français et des Québécois, qu’ils soient catholiques ou athées.

Pendant ce temps, le gouvernement Legault a décidé de retirer le crucifix de l’Assemblée nationale. D’un côté, nous tenons à bien marquer le fait que les symboles de notre passé religieux n’ont plus rien à voir avec nos institutions politiques, et de l’autre, nous souffrons de voir s’abimer l’un des monuments les plus emblématiques de la Chrétienté, trahissant par là notre sentiment d’identification à cette entité constitutive de notre histoire.

Certains prétendront qu’il ne s’agit pas là de religion, mais d’un monument, d’art, d’architecture ou d’histoire. Sauf qu’il s’agit aussi d’une cathédrale, un symbole très fort de nos racines chrétiennes. Quand en 2001, les talibans ont détruit les Bouddhas de Bâmiyân, il s’agissait pour nous de monuments, d’art et d’histoire, mais comme l’identification avec cette histoire et cette religion manquait, il y a fort à parier que les sentiments ressentis s’apparentaient moins à la tragédie d’un deuil qu’à la colère vis-à-vis du comportement criminel d’êtres irrationnels et donc non conformes à notre définition de l’être humain.

L’appui au projet de loi 21 sur « la laïcité » tient surtout au sentiment d’une menace à l’identité québécoise suscitée par la vue du Hijab et d’autres symboles d’une civilisation qui a depuis toujours été la rivale de la civilisation chrétienne. Dès lors, pour pouvoir restreindre le risque d’exposition à ces symboles malvenus sans encourir d’accusations de racisme, il fallait donner l’apparence d’un traitement équitable envers toutes les religions. Pas de voile, mais pas de crucifix non plus.

Ce faisant, nous acceptons de faire disparaître progressivement les traces matérielles de notre propre histoire. Le gouvernement a précisé que nous pourrons conserver les noms de villes avec un Saint, mais cette mise en scène persiste à simuler le fait que l’éradication de toute trace de religion serait un objectif à long terme.

C’est sans doute le vœu des victimes d’abus sexuels de la part de membres du clergé, celui des militants laïcistes et celui des féministes qui tiennent les religions comme responsables du patriarcat, mais il faudrait compter aussi le nombre de personnes qui ont plutôt conservé de la gratitude envers le dévouement de leurs enseignants ou celui du personnel soignant des hôpitaux ou des crèches, toutes personnes travaillant sans salaire pour le bien commun. Les personnes de plus de soixante ans ont presque toutes été partiellement éduquées par des membres des communautés religieuses portant des signes ostentatoires.

Il me semble qu’on peut clairement parler de haine de soi dans ce mouvement social d’éradication de l’un des fondements les plus essentiels de notre identité historique. Or il est plutôt ironique de penser que la « haine de soi » est une accusation couramment portée à l’endroit des personnes considérées comme un peu trop ouvertes à la diversité culturelle du Québec, alors qu’ici, elle loge plutôt chez ceux qui craignent cette diversification.