À première vue, la philosophie est un genre littéraire plutôt opposé à l’humour, mais comme ce dernier est quand même une tonalité de la pensée, un certain rapprochement est peut-être possible. D’autant plus que l’humour peut aussi être une voie vers la sagesse et même vers certaines vérités.
Parmi les activités de la pensée qui sont les plus éloignées de la philosophie, la science est sans doute celle qui devrait figurer au premier rang. Les deux sont à la recherche de vérités, mais l’une en trouve et peut aussi les rejeter, tandis que l’autre doit se contenter de l’éternelle quête.
La philosophie a beaucoup plus de parenté avec l’art, car elle est d’abord une activité de création. Elle crée en toute liberté des objets mentaux portés par le langage, et elle s’en sert pour composer une musique des idées et des mots. Il s’agit bien sûr de musique classique, car la philosophie n’a jamais été spécialement populaire dans les classes populaires.
Comme l’économie et l’histoire, la philosophie est une discipline qui s’est donné le même nom que son objet d’étude, de sorte qu’on ne sait jamais trop bien si les philosophes se consacrent à l’étude des philosophies ou bien à leur fabrication et à leur entretien.
La philosophie a aussi une parenté certaine avec les religions. Si elle ne crée aucun rituel, elle contribue fortement à la production des idéologies, la spécialité des grandes religions. Elle a permis l’éclosion du marxisme, mais sa plus grande gloire est sans doute la découverte des Lumières, celles qui continuent d’alimenter l’aura de l’Occident à ses propres yeux.
Si le philosophe Marx a prétendu que la religion est l’opium du peuple, on peut croire que la philosophie a aussi servi de cocaïne à l’aristocratie. Et comme les sciences humaines sont les filles de la philosophie, il serait fort étonnant que les fruits soient tombés loin du tronc.