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Le Parti Québécois doit disparaître

Pour que le projet souverainiste puisse vraiment renaître et avoir des chances de se réaliser un jour, il faut d’abord que le Parti Québécois laisse la place aux initiatives qui surgiront de la jeune génération. Tel qu’il est devenu, il ne va nulle part. Au départ, il fut fondé pour offrir une voix et une voie aux rêves d’un pays et aux idéaux de la social-démocratie mais ces deux axes idéologiques ont peu à peu été réduits à un vernis de surface qui ne recouvre plus beaucoup de convictions fortes.

Avant de spéculer sur l’éventail des possibles qui pourraient prendre forme dans un paysage politique renouvelé, il serait utile d’identifier les raisons de la dernière déconfiture.

Pour expliquer cette cuisante défaite, on a surtout invoqué le caractère référendaire (purement imaginaire) de la campagne. C’est une interprétation pertinente mais incomplète. Et surtout, il n’y a aucune raison de penser que le pourcentage de soutien au projet souverainiste, généralement situé par les sondages entre 35 et 40%, aurait subitement fléchi au moment même où le rêve d’un souffle nouveau venait l’alimenter en la personne de Pierre-Karl Péladeau.

Il serait probablement plus juste d’assumer que l’élan temporaire qu’avait pris le PQ au moment du déclenchement des élections a été brisé puis inversé par la suite pour des raisons un peu plus complexes. De nos jours, un pourcentage croissant d’électeurs indécis fondent leur choix sur l’image momentanée des partis plutôt que sur des orientations idéologiques durables. Or, comme pour la beauté ou la laideur d’un visage, il suffit parfois d’un détail pour changer la donne. C’est bien l’étincelle référendaire déclenchée par PKP qui a fourni ce détail mais il n’aurait pas eu ce résultat dans un autre contexte. Or c’est précisément le contexte de cette intervention qui a joué un rôle clé.

Cette élection a été planifiée et déclenchée d’abord et avant tout sur l’enjeu des valeurs identitaires incarné par le projet de Charte, un enjeu qui avait fini par donner au PQ les résultats minimaux qu’il attendait dans les sondages. Le PQ n’a pas déclenché des élections sur ses projets les plus intéressants, notamment le projet d’assurance autonomie ou celui de l’électrification des transports, mais sur celui auquel il avait déjà consacré presque le tiers de son court mandat : six mois à débattre et à s’entredéchirer sur un projet qui visait à mobiliser une certaine fibre nationaliste, tout en scindant l’électorat en deux clans bien tranchés, en faisant le calcul que le vote de l’un des deux suffirait à garantir le pouvoir.

Ce calcul aurait pu porter fruit mais mettre dans le même panier les réflexes identitaires défensifs et les rêves souverainistes était une grave erreur. L’arrivée de PKP et l’image de son poing levé ont suffi pour opérer une inversion de polarité dans ce trop beau projet. Une partie significative de l’électorat a subitement changé d’idée. L’image nationaliste du PQ qui était peu à peu apparue positive pour une majorité d’entre eux est soudainement devenue négative. C’est toute la stratégie du PQ qui est soudainement apparue comme une manigance, un savant calcul pour manipuler l’électorat et l’amener dans une direction où il ne souhaitait pas aller.

C’est alors que la campagne du NON au référendum du Parti Libéral pouvait faire son petit bonhomme de chemin toute seule mais sans la longue campagne de nationalisme défensif qui l’avait précédée, elle n’aurait rejoint que les Libéraux déjà convaincus.

Cette interprétation de la campagne menée par le PQ ne vise pas seulement à faire l’autopsie de sa défaite mais aussi à tracer un portrait plus exact des sentiments nationalistes ou souverainistes de la population du Québec actuel. À première vue, le fait d’incarner « nos valeurs » pouvait rallier une certaine majorité électorale (un peu plus de 40%), au moins temporairement, mais surtout pas susciter une adhésion à une démarche vers un objectif aussi inconnu — magique pour les uns, tragique pour les autres — que l’indépendance du Québec. On a bien vu, j’espère, que ce deuxième clivage, malgré le passage des ans, continue à séparer le Québec en deux plus nettement et plus vite que n’importe quelle Charte des valeurs « québécoises ».

Dès lors, pourquoi vouloir faire disparaître le PQ? Rien n’empêche ce parti de continuer à lutter pour rester dans la course au pouvoir menée par les deux « grands partis », jusqu’à ce qu’un quelconque troisième joueur ne vienne le supplanter, comme ce fut un peu le cas en 2007 avec l’ADQ . Il pourrait aussi choisir — ce qu’il fera très probablement — d’édulcorer au maximum son article #1 pour pouvoir continuer à jouer le rôle de deuxième « grand parti » électoraliste, en espérant au moins avoir la chance d’occuper le pouvoir pendant les périodes où le Parti Libéral a besoin de se refaire une beauté. Quant à ce dernier, tant qu’il continuera à être la coalition des Anglo-Canadiens du Québec, des francophones fédéralistes et d’une majorité des Néo-Québécois, il ne semble pas du tout menacé de disparition, quoi qu’il fasse[1]. Ni l’arrivée des nouvelles cohortes d’immigrants, ni la francisation des Anglo-Québécois, ni les choix politiques des jeunes générations ne le menacent.

De façon réaliste, on peut penser que seule la direction que prendront les choix des jeunes générations importe vraiment quant à l’avenir d’un projet souverainiste. Aucun indépendantiste québécois n’a jamais rêvé de pouvoir un jour assimiler une partie significative des anglophones du Québec et le Parti Québécois semble bien avoir laissé tomber ses velléités de séduction des Néo-Québécois avec son projet de Charte des valeurs mais personne ne peut nier que l’avenir d’un peuple repose d’abord et avant tout sur les choix que feront les nouvelles générations. C’était vrai en 1968 avec le raz-de-marrée des baby-boomers, c’est toujours vrai de nos jours.

Pour ceux qui continuent à rêver d’un pays, confier les commandes aux plus jeunes serait un choix bien plus prometteur que de s’entêter à vouloir mener jusqu’à son dernier souffle de vie le projet qui a présidé à la naissance du Parti Québécois. Après tout, ce sont eux qui ont été capables de mobiliser des dizaines de milliers de personnes lors du printemps érable. Les révolutions technologiques, les crises environnementales, la mondialisation accélérée, la mort annoncée des idéologies, les dérives de notre civilisation dopée à l’argent et aux gadgets sont autant d’enjeux qui sauront les mobiliser et nous mobiliser du même coup quand cela sera nécessaire. Pour le moment, moins de 25% d’entre eux semblent succomber aux charmes de l’idéal souverainiste mais, en considérant la façon dont il s’incarne dans les partis politiques actuels, on peut penser qu’un bien plus grand pourcentage de jeunes pourraient s’y rallier si on leur laissait la chance d’examiner la question avec leur propre regard et d’y donner un nouveau visage qui émane de leur propre créativité.

[1] Rappelons qu’aux élections du 7avril dernier, le compté de D’Arcy-McGee a voté à 92% pour le Parti Libéral, pas loin du 96% en faveur du NON obtenu au référendum de 1995. C’est le Mystère-Montréal.

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